Observatoire du Territoire

Publication



La sécurisation foncière des zones reboisées répond-elle au problème de la réussite et la durabilité de la gestion des plantations reboisées ?

Publié le : 02 Jan 2018

Catégories :


A Madagascar, les premières opérations de reboisement ont été effectuées par l’administration coloniale principalement sur les terres incultes pour les mettre en valeur, régénérer le sol et pour la production économique de bois. Environs un massif de 150.000 ha ont été reboisés durant cette période. Les terrains reboisés dans ce temps ont été majoritairement sécurisés et immatriculés soit au nom de l’administration, soit aux noms de colons, des compagnies ou quelques malagasy. A l’indépendance,  les gouvernants de la première république a continué les œuvres des colons dans les stations forestières étatiques pour promouvoir le reboisement industriel et la protection de l’environnement via le « reboisement : un devoir national ». Ces stations forestières sont héritées de l’administration coloniale, et sont majoritairement titrées et affectées au Ministère en charge des forêts. Contraignant dans ses débuts, et appuyant les grandes industries de papeterie et de transport (locomotive), le reboisement est devenu incitatif dans les années 1990 suivant les grands mouvements internationaux de la gestion communautaire locale. A partir de là, les terrains domaniaux, des terrains privés et des terrains privés non titrés ont été engagés dans des opérations de reboisement. Toutefois, depuis ces premières opérations de reboisement par l’administration coloniale, peu d’évolution des superficies plantées à Madagascar sont observées jusqu’ à aujourd’hui. Le reboisement ne constitue qu’environ 3%[1] de la couverture forestière malagasy.

Actuellement, il est plus que nécessaire de promouvoir les opérations de reboisement. Les besoins en énergie ligneuse ne cessent d’augmenter, estimés à 21,73 millions de m3 en 2005[2], dont les forêts naturelles qu’artificielles sont les principales sources  d’énergie. D’autres part, Madagascar a un engagement d’augmenter la superficie forestière d’ici 2030 à 4 millions d’ha selon la vision DURBAN, et Bonn Challenge . Quels sont alors les facteurs de blocages et les facteurs de réussites qui sont à considérer? Et est-ce que la sécurisation foncière des reboisements est un facteur  incontournable?

1. Les facteurs nécessaires à la réussite des reboisements

Les conditions naturelles se hissent en première place pour réussir les plantations, viennent ensuite les conditions sociales, techniques et économiques.

La disponibilité foncière est le premier facteur à considérer. En effet le reboisement a pour but de constituer une forêt et visant un ensemble de fonction précise. Le FAO définit les forêts comme « des terres occupant une superficie de plus de 0,5 hectare (5.000m2) avec des arbres atteignant une hauteur supérieure à 5 mètres et un couvert forestier de plus de 10%, ou avec des arbres capables de remplir ces critères ».Au moins un demi-hectare de terrain disponible est donc nécessaire. Trouver cet espace n’est pas évident surtout pour des terrains privés, les terrains appartenant au domaine privé de l’Etat , ainsi que les terrains sous statut spécifique sont ainsi souvent sollicités. Mais pour des terrains privés titrés ou non titrés, des incitations à de groupement de reboiseurs sont effectuées.

L’assurance d’un bon développement sylvicole dépend ensuite des conditions pédoclimatiques. Les premières opérations ont été surtout menées sur les Hautes terres qui étaient faiblement recouvert de forêt. Les plantations les plus réussies  sont observées le long des chemins de fer le long de la côte Est. Là, le sol était encore recouverte de « savoka »[3], le climat pluvieux, et le sol était fertile recouvert d’humus. L’Eucalyptus planté consomme beaucoup l’humus et s’est développé plus rapidement que dans d’autres contrés. Sur des terrains très dénudés et incultes, il faudra plusieurs intrants et investir en fertilisant, donc plus de budget à engager.

Ces introductions d’Eucalyptus durant cette période nous enseignent également de bien choisir les essences forestières adaptées au type de sol disponible. En effet, après l’exploitation à blanc ou la coupe rase de ces Eucalyptus boisés, essentiellement pour des fins de production de bois, le terrain redeviendra inculte, aucune végétation secondaire n’y peut survivre. Plus tard, des essais de plantation d’Acacia ont été réalisés à Vakinankaratra dans la même période par le service des chemins de fer pour la production de combustible pour les locomotives. Dès la cinquième année, des produits à la hauteur des attentes ont été obtenus. Mais au-delà de la production de combustible, l’Acacia ne peut fournir d’autres fonctions tel le bois de construction ou bois d’œuvre. D’autre part, pour les essences autochtones, elles sont très exigeantes en conditions environnementales et ne croissent qu’avec un milieu très particulier, elles ne souvent adaptées que dans les forêts naturelles et utilisées comme enrichissement. D’où les essences introduites comme l’Acacia, l’Eucalyptus ou le Pinus priment par rapport aux essences autochtones pour les opérations de «boisement».

Viennent après, la réalisation des différentes étapes sylvicoles allant de la plantation des jeunes plants, du regarnissage jusqu’à l’entretien des plantations via des élagages et des éclaircies. Tous ces travaux nécessitent un suivi et une maîtrise technique tout au long de la vie de la plantation. Nonobstant, ces traitements sylvicoles engagent des investissements en termes de temps et d’argent. Ils permettent de régir l’établissement, la croissance et l’état de santé des plantations ainsi que son exploitation durable (coupe, rotation, …) ou sa valorisation selon l’objectif du reboisement. Dans la majorité des cas, après les premières opérations de mise en terre ou la plantation proprement dite, les étapes qui suivent du regarnissage à l’entretien sont négligées laissant la nature assurer les repousses. Les causes sont souvent liées au manque de temps, de suivi et d’investissement financier pour les entretiens. Or, le reboisement nécessite beaucoup d’investissement financier que technique pour avoir de bons résultats.

Enfin, le contexte local, et l’intérêt socio-économique des reboiseurs incités est un facteur qu’il ne faut pas négliger. Plusieurs projets ont souvent sautés l’étape de l’approche sociale et l’établissement d’une investigation locale avant la sensibilisation et la mise en œuvre de leur projet. Malgré que la réalisation de la plantation se déroule comme prévu, les répercussions se font sentir surtout plus tard à travers des feux de brousse, des conflits d’intérêts et donc l’exploitation massive et illicite des zones.

Si telles sont les facteurs de réussite du reboisement, quels sont les facteurs à éviter.

2. Les facteurs à éviter

Les intérêts individuels des reboiseurs doivent ainsi être considérés dans tout projet les concernant mais inscrit dans une dynamique qui intègre la culture locale et les règles sociales. L’intérêt commun vient en second lieu et ne peut être primordial si l’intérêt individuel n’est pas clair considérant la situation actuelle de Madagascar. La situation économique et sociale de Madagascar n’a cessé de dégrader depuis l’indépendance, le pays devient de plus en plus pauvre, d’où les besoins économiques immédiats priment avant le confort social. L’exploitation illicite et non durable des ressources ligneuses devient alors de plus en plus marquée. La concurrence pour l’usage du foncier se fait sentir, les activités agricoles de courte durée (culture vivrière, rizicole…) sont priorisées et des pratiques de tavy sont recensées dans plusieurs cas pour accéder au foncier. Le foncier devient ainsi une plateforme de différents usages et de conflits d’intérêt. La sécurisation de la vocation des terres préalablement instituée n’est plus respectée surtout si aucune règle d’usage et un plan d’aménagement d’espace n’existent. Les terrains reboisés dont les propriétés foncières sont formalisées par des titres ou des certificats n’échappent pas à ces exploitations illicites ou passage de feux, surtout si elles ne sont pas renforcées par un gardiennage et un suivi permanent.

Un des facteurs à éviter dans les opérations de reboisement est de ne pas affilier l’objectif du reboisement par rapport aux moyens disponibles à mettre en œuvre et l’attente sociale. Aligner offre et demande ; et mettre en concordance logique de projet et logique paysanne, sont deux points très importants.

Si l’objectif du reboisement tend vers la production, le promoteur ou le projet doit impérativement conduire le reboisement de façon intégrée et participative. Faire une étude prospective du développement de la filière  est nécessaire, voir si la population comprend dans ses priorités le reboisement, ou du moins prospecter sur l’attente réelle locale, la demande est-elle là ou sinon quels sont les débouchés. Analyser cette dynamique locale permet aussi de déterminer comment intégrer le projet socialement, quelle cadre juridique régit le territoire, quelle valeur soutient-elle et comment elle s’organise. Comme la production vise un intérêt économique et plus individuel, les règles du jeu doivent dès le départ être bien définis mais insérés dans une culture et dynamique locale. Chaque participant devra s’approprier, trouver un bénéfice ou un avantage et protéger cet avantage. Cette protection individuelle participe à une gestion de l’exploitation-.

Par contre, si l’objectif du reboisement est purement conservateur, visant une fonction écologique, le promoteur du projet doit s’assurer de la légitimité de son projet envers la communauté. Il est fréquent qu’investir pour un intérêt commun n’est pas évident, surtout que l’intérêt individuel n’y est pas palpable.  Cette intérêt commun peut s’agir de la protection de bassin versant, de protection de ressource d’eau ou pour sa fonction de stockage de carbone etc. Le projet se doit d’intégrer avec cet objectif des alternatives pour protéger l’accès et la protection de cette ressource, ces activités communément connus sous l’appellation « AGR » ou activités génératrices de revenus évitent de pénaliser la population locale. Toutefois ces AGR se doivent d’être en accord avec l’attente locale, sa culture, ses valeurs et l’existence d’un marché pouvant contribuer à des bénéfices économiques.

Dans les deux cas, les investissements à prévoir nécessiteront des ressources financières, techniques, et des mesures d’accompagnement pour le suivi de la gestion de plantations, adéquates à long termes, et pas seulement durant l’intervention du projet. Le transfert de compétence en vue de son retrait ultérieure est à assurer.

Le reboisement doit s’effectuer sur un terrain donné, et la question de la sécurisation se pose dans la mesure où elle pourrait être un facteur favorisant le reboisement.

3. La réussite de la sécurisation foncière dépend du statut légal des terrains 

La difficulté et les échecs se constatent surtout pour les reboisements effectués sur les terrains domaniaux ou les terrains sous statut DPE (Domaine Privé de l’Etat). Malgré le grand programme étatique pour faciliter l’acquisition de terrain en faveur des reboiseurs tels que les ZODAFARB (Zone dédiée en faveur de l’arbre) en 1984 ou les RFR (Réserve foncière pour le reboisement) en 2003, la sécurisation foncière avec des titres individuels n’aboutissent que rarement.  En effet, quand on parle de terrains étatiques, la législation foncière ne prévoit que l’immatriculation individuelle ou la dotation foncière pour octroyer des terrains à un tiers.

La Coopération Suisse qui a expérimenté les reboisements sur ZODAFARB dans les Hautes Terres a opté pour la dotation foncière en collaboration avec l’administration foncière et l’administration forestière. Les collectivités volontaires au reboisement obtenaient des titres fonciers au nom de la Collectivité lorsque les conditions sont remplies pour la plantation à savoir un taux suffisamment acceptable pour la plantation, des entretiens effectués et une gestion de plantation suivant les techniques apportées. Des lotissements de terrains s’inséraient dans ce titre collectif, et on a attribué aux terres concernées la vocation de terres de reboisement. Des titres individuels pouvaient être demandés par les reboiseurs à l’issue de plusieurs étapes. Toutefois, de 1984 à 2000, durée d’intervention du projet,  seuls les titres collectifs par dotation foncière ont été délivrés mais les procédures de demande de titres individuels étaient difficiles à concrétiser. Les procédures nécessitaient plus de temps et de fonds. Ainsi, cette phase était devenue à la charge et à l’initiative des reboiseurs. Dix-sept ans après le retrait des Suisses, rares sont ceux qui ont pu aboutir à des titres individuels. En effet pour pouvoir demander un titre individuel, il faut que le nom du reboiseur soit listé dans  le titre collectif, qu’il ait reçu un certificat de reboisement (obtenu après évaluation de l’entretien de son plantation), et une attestation de reboisement (obtenue après au moins cinq ans après une évaluation de la bonne santé et de la bonne gestion de la plantation). Les évaluations sont faites par des techniciens des cantonnements forestiers, et d’un comité de reboisement composé de représentants de la localité, de chef fokontany et de la Commune. Ce sont ces dossiers validés qui seront les bases de la demande d’immatriculation individuelle. Toutefois aucune mesure n’a été mise en place pour  faciliter la procédure ou réduire les coûts malgré ces étapes déjà acquises, , d’où peu y arrivent. De même, il faudra se déplacer à Antananarivo pour traiter le dossier de demande de titre.

C’est aussi le cas du projet Page Eco ou ex GReenMad à Diégo, une dotation foncière à la Commune de Saojovatoa pu être effectuée pour que les reboiseurs puissent effectuer la plantation. Le titre est au nom de la Commune mais la zone reboisée est morcelée suivant les reboiseurs. Chaque reboiseur connait la délimitation et l’identification de ses parcelles. Cette délimitation est déjà recensée au niveau de la Commune et au niveau du projet mais pas encore au niveau des services fonciers. Des règles de gestion et d’usage sont de ce fait affectées à la zone, chacun étant libre de l’exploitation de sa parcelle. Le but était de produire du charbon pour alimenter le marché de Diégo. Chacun a ainsi intérêt à bien gérer sa plantation pour la durabilité de la filière et s’assurer des bénéfices à long terme.. Depuis 1994 à aujourd’hui, les reboiseurs de la Commune de Saojovato continuent de fournir du charbon issu des plantations reboisées. Malgré que le projet prévoyait des titres individuels pour chaque reboiseur, il a rencontré les même difficultés en termes de procédures, d’éloignement  et de coût que le projet suisse et jusqu’à maintenant aucun titre individuel n’a été établi.

Avec la promulgation des RFR dans les années 2003, le problème est identique, le décret y afférent prévoit plusieurs étapes à remplir avant de pouvoir demander un titre individuel des parcelles. Les bénéficiaires sont incités à se grouper en GAR (Groupement Adhérent au Reboisement), et les membres du GAR identifient avec la Commune les terrains étatiques ou PPNT (Propriétés privées non titrées) des RFR, et à l’intérieur des zones ainsi délimitées, un morcellement de parcelles est effectué au profit de  chaque reboiseur. Il faudra plusieurs années voire 10 ans de mise en valeur et plusieurs validations techniques au niveau de plusieurs entités avant de pouvoir demander un titre si le statut des terrains appartient au Domaine de l’Etat. Jusqu’à aujourd’hui, rares sont ceux qui ont réussi. Comme le cas de PLAE à Andranofasika, pour une zone de reboisement sur des terrains titrés à l’Etat (cadastre), ils ont plutôt opté pour des délivrances d’attestation de reboisement à la collectivité et ont intégré cette RFR au schéma d’aménagement communal (SAC).

Cependant, pour les Reboisements sur PPNT, il est plus abordable et plus réalisable en termes de sécurisation foncière. Suivant la collaboration entre les entités : promoteurs/projets, Commune, et reboiseurs, la procédure et les coûts sont plus accessibles. PLAE l’aexpérimenté par exemple et a pu certifier un groupement de GAR sur un RFR à Andranofasika. Un certificat au nom du collectif a donc était délivré par le Guichet Foncier pour les reboiseurs.

La question qui se pose maintenant est de savoir si cette sécurisation foncière constitue un facteur de réussite ou un facteur de blocage pour la réussite des reboisements.

4. La sécurisation foncière ne fait partie ni des facteurs moteurs ni des facteurs bloquants

La sécurisation foncière des terrains ne fait pas partie des principaux facteurs nécessaires à la réussite et à la durabilité des plantations. Une des leçons apprises des projets couplant sécurisation foncière et reboisement démontre que d’abord seuls 20% des projets et promoteurs de reboisement ont intégré l’incitation foncière  avec d’autres incitations, les 80% ont préféré opter soit pour des incitations techniques soit pour des incitations financières voire les deux ensembles. Parmi ces 80%, des expériences ont réussi si elles ont considéré l’ensemble des facteurs nécessaires cités précédemment, d’autres ont échoué quand l’ensemble des facteurs n’ont pas été tenus en compte.

Pour les 20% ayant expérimentés l’incitation foncière, celle-ci a créé d’autres  problèmes, car la sécurisation foncière dépend non seulement de l’effectivité du reboisement à long terme, mais suit également des procédures définies par la loi instituées dans un contexte global systémique et non spécifiques au secteur forestier et environnemental. La sécurisation foncière dépend  (i) du statut des terres, (ii) de la durée de mise en valeur des terres, (iii) de la disponibilité de fonds conséquent suivant le statut des terres et (iv) de l’intégration intersectorielle des institutions concernées. Jusqu’ici les deux secteurs interviennent  de son côté  sans intégrer les préoccupations de l’autre.

La majorité des projets de reboisement est resté dans la considération du secteur « forêt » et ont négligé le facteur « foncier ». L’accès au foncier à travers le reboisement est un processus à long terme et à coût élevé, et la sécurisation foncière des reboisements dépend des statuts légaux des terres inscrits dans le droit commun. Or le projet n’intervient que pour une durée déterminée et les reboiseurs doivent effectuer les démarches d’immatriculation ou certification individuelle, ce qui n’avait pas été anticipé dès le départ. Les incitations à l’acquisition de terrains gratuits ont donc été faussées par de belles promesses sans approfondissement du  vrai contexte d’où l’échec de la sécurisation foncière des reboisements, cause de mécontentements des bénéficiaires et conduisant  à des usages non durables.

Si la sécurisation foncière n’est pas un facteur clé de réussite, quelles sont les recommandations pour la durabilité des reboisements ?

5. La sécurisation de l’usage, la disponibilité du foncier et la légitimité de l’exploitant sont plus recommandées que la sécurisation foncière

Les expériences de reboisement à Madagascar nous montrent que les plantations font face à des déforestations et des exploitations illicites de ressources ligneuses tout comme les forêts naturelles. Cette tendance est due au fait de la dégradation de la situation économique et sociale de la population recherchant les moindres opportunités de valorisation des ressources. Elles sont beaucoup plus fréquentes lorsque les plantations appartiennent à l’Etat ou à une Collectivité et de moins en moins constatées dans les plantations privées. Les forêts appartenant au Domaine Forestier National comme les Stations forestières ou les périmètres de reboisements sont titrés dans la majorité des cas et délimités pour les restes qui n’ont pas pu être titrés. Or, ces forêts plantés sont objet de passage de feux fréquents ou à des exploitations illicites massives. Le propriétaire est l’Etat et n’est pas une entité qui se présente concrètement et il est représenté par le Ministère en charge. Cette dématérialisation du propriétaire rend fragile la protection des ressources surtout lorsque la majorité des lois  sont en désuétude et les mesures de répression sont faibles et peu appliquées.

Dans le cas où le propriétaire est connu, son identité physique est reconnueet légitime aux yeux de la société malgré l’existence d’une formalisation ou non. Il est moins exposé aux  menaces externes. Les gens malintentionnés savent que s’ils sont pris en flagrant délit, des plaintes pourront être émises contre eux.Notamment, si des mesures de protection sont apportées comme la mise en place de pare-feu ou l’existence de suivi permanent, le propriétaire affirme par ses actes son contrôle sur la plantation.  C’est le cas des reboisements privés dans l’Est de l’Imerina. Le périmètre de reboisement a été titré à des nobles du temps de la période coloniale, mais les lotissements à l’intérieur appartiennent aux reboiseurs locaux inscrits dans un document appelé « Boky Mena » détenu par la famille des nobles et transmis de génération en génération. Le droit d’usage des reboiseurs locaux est légitimé par ces nobles et le voisinage, et une sorte de droit coutumier régit la gestion et l’exploitation des plantations. Les parcelles morcelées à l’intérieur sont indivisibles et inaliénables mais ils peuvent être objet de transactions entre reboiseurs dans le clan inscrit dans le « Boky Mena ». Dans ce cas, la tendance à l’individualisation des droits fonciers et à sa formalisation ne sont pas appropriées.

En somme, la sécurisation de l’usage est prioritaire avant la sécurisation foncière qui nécessite une persévérance et des investissements dans le temps et en argent. La disponibilité du foncier ayant été obtenue et légitimée par la population locale permet de tracer la base de la sécurisation foncière complétée par des règles d’usage consensuels, contraignants et appropriés par l’ensemble des acteurs. La formalisation est une étape qui vient ensuite renforçant cette légitimité et venant en appui contre les éventuelles expropriations.  Dans tous les cas, les législations forestière et foncière ne s’accordent pas sur les principes d’acquisition de terres dans le cas des reboisements. Des révisions et une collaboration étroite entre les deux entités devraient alimenter la coordination et la réflexion transversale sur les textes de la sécurisation foncière des reboisements. Il est important de déterminer qui a droit à quoi et comment procéder de manière plus  appropriée suivant les réalités de terrain.

 

 


[1] MEF-USAID et CI (2009), sur une superficie forestière totale de 9.725.000ha

[2] David et Meyers 2005

[3]ou savane arborée résultant de la dégradation de la forêt primaire